Texte 1 : C' est la faute à Jupiter !
Phèdre, livre IV, 10, vers 1 à 5 Ses talents de fabuliste lui valurent la protection de l' em-
pereur Auguste. Comme nombre d' écrivains latins, il avait été à l' école de son homolo-
gue grec Esope, dont un recueil des fable dites ésopiques nous est parvenu sous son nom.
La Fontaine s' est inspiré de ses prédécesseurs antiques, mais il leur est largement supé-
rieur par le caractère alerte et pétillant de son style.
C' est la faute à Jupiter !
Peras imposuit Iupiter nobis duas ; pérass impôsuitt Ioupitèr nobiss douwass. (prononciation du latin)
propriis repletam vitiis post tergum dedit, prôpriiss réplétam vitiis post tèrgoum
déditt,
alienis ante pectus suspendit gravem. aliéniss annté pèctouss suspènditt gravèm
Hac re nostra mala videre non possumus ; hac ré notra mala vidéré non possumus.
alii simul delinquunt, censores sumus. alii simoul délinnkwount cènsorès soumus.
L' analyse de chaque prop. numérotée (voir le mess. SYMBOLES et ABREVIATIONS) est
précédée du texte latin dont l' ordre des mots est celui de sa tr. fr. Voir les mess. gram-
maticaux concernant les noms, les adj. qual., les pr. PERS., POSS., DEM., INDEF.
Les 3 premiers vers coïncident avec les 3 prop. indépendantes d' une seule et même
phrase. Les 2 dernières prop. précisent la 1e. On y retrouve les mêmes termes : nous
(s-ent.), les poches, Jupiter.
1 Iupiter nobis imposuit duas peras. Iupitèr : Iupitèr, Iov-is Jupiter, N.s S de
imposuit nobis (les dés. du pl. sont notées en rouge) : n-os nous pr. PERS. 1p repré-
sentant les êtres humains, au nom desquels Phèdre s' exprime, D.p en dépendance d'
un v. composé de la prép. in- : im-pôsuit : -pôn-ô,ôn-e-ré 3C -pôsu-i mettre sur dans
le contexte : équiper, ind. pft 3s du v. de la n-sub. én. (énonçant un fait) duas : duo
(m et nt), duae (f) deux dét. NUM. CARD. de péras : -a,ae 1D f la besace, la musette
dans le contexte : la poche comparable à celle d' un kangourou, Ac.p cod de imposuit
Jupiter a mis sur nous=nous a équipés de deux poches ; (les traductions sont en mauve)
N.B : un verbe syn. (= ..) n' a pas nécessairement les mêmes cpts que celui qu' il
remplace.
La mythologie grecque et romaine est constituée de récits poétiques concernant les
dieux, où sont relatées leur vie et leurs aventures terrestres, souvent même terre à
terre, puisque les dieux sont censés éprouver toutes les passions humaines, y compris
les moins avouables, mais à un degré supérieur. En tant que dieux, ils des pouvoirs sur-
naturels, qui, par exemple, leur permettent d' apparaître et disparaître aux yeux des hu-
mains quand bon leur semble et sous la forme qu' ils ont choisie. La mythologie situe le
palais de Jupiter sur les hauteurs ennuagées du mont Olympe, en Grèce.Le roi des dieux
et des hommes y mène une existence confortable en compagnie de Junon, son épouse
légitime, et d' une pléiade de dieux qui constituent sa cour. Les religions grecque et ro-
maine ne comportaient pas de dogmes auxquels les fidèles étaient tenus de croire, com-
me, par exemple, dans la religion catholique. Dès lors, l' imagination fertile des poètes
pouvait se donner libre cours pour prêter à Jupiter de multiples aventures extra-conju-
gales au grand dam de la sourcilleuse Junon. Les intellectuels et les philosophes avaient
évidemment une conception plus élevée de la divinité et ne prenaient pas au sérieux les
fariboles de la mythologie.
2 post tergum (nobis) dedit repletam (nostris) propriis vitiis ;
post : + Ac. derrière prép. introduisant tergum :-um,i 2D nt le dos, Ac.s cc-L de
dedit nobis s-ent. : voir en 1, D.p coi de dédit : do<da-o, da-ré 1C déd-i mettre,
ind. pft -t = il (Jupiter), v. de la n-sub. én. ré-plétam : -plé-o,ré 2C -plév-i, plét-um
remplir, part. pft nominalisé : celle remplie (= la poche remplie), ce part. exprime l' é-
tat résultant de l' action qui a précédé, Ac.s cod de dedit nostris propriis : nost-e-r,
tr-a,um propri-us,a,um (ces finales indiquent des mots qui sans être des A1 se décli-
nent comme eux) notre propre dét. POSS. n-réfl. 1p s-ent. renforcé dont le 1er élé-
ment est s-ent. Un dét. s' accorde automatiquement avec le mot qui suit en cas, genre
et nombre, comme un adj. qual. vitiis : -um,i 2D nt le défaut, Ab.p cc-moyen de
répletam ; derrière le dos, il nous a mis la=celle remplie de nos propres défauts,
N.B : Quand ils sont suggérés par ce qui précède (ici : la prop. 1), le latin fait svt l' é-
conomie des pr. PERS. cpts d' obj. et des dét. POSS., surtout quand ceux-ci s' accor-
dent avec le S ou un cpt d' obj. ou une partie du corps.
3 , ante pectus (nostrum) suspendit gravem alienis.
anté : + Ac. devant prép. introduisant pèctus : pèctus,tor-a 3D nt la poitrine, Ac.scc-L
de suspendit nobis s-ent. voir en 1, D. désignant l'être concerné par le fait exprimé par
le v. de la prop. : sus-pèndit : -pènd-o,-e-ré 3C,-pènd-i suspendre, ind. pft -t = il (Jupi-
ter), v. de la n-sub. én. gravèm = pér-am grav-èm : grav-is,é A2 lourd construit avec un
cc.cause à l' Ab., nominalisation à l' Ac.s cod de suspendit aliénis = alién-is viti-is :
alién-us,a,um A1 appartenant à autrui pr. INDEF. représentant viti-is ;
devant la poitrine, il nous a suspendu la=celle lourde de les=ceux d' autrui.
4 Hac re nostra mala non possumus videre ;
Hac : h-ic,aec,oc ce ... dét. DEM.de re : -es,ei (5D f) la chose, le fait, Ab. cc-cause de
non possumus videre nostra : nost-è-r,tr-a,um (A1) dét. POSS. 1p mis en relief de
mala : -um,-i (2D nt) le mauvais côté, le défaut, Ac.p cod de videre non : adv. négatif
portant sur poss-u-mus : v. irr.1, ind. prst -mus = nous (Phèdre et les autres hommes)
ind. prst, v. de la n-sub. én. vidéré : vidé-ô 2C voir, inf. prst cod de possumus
De ce fait, nos mauvais côtés à nous, nous ne pouvons les voir = impossible de les voir.
5 L' absence de coordination avec la phrase précédente indique une forte oppositon (as.
adv.) :
; par contre, simul (ac) alii delinquunt, ...
simul (ac) : + ind. dès que, conj. sub. introduisant delinquunt alii: ali-us,a,um un
autre pr. INDEF. : au m pl. il représente ici des hommes, N.p S de dé-linqu-u-nt :
-linqu-ô,-e-ré 3b dé-laisser le droit chemin, faire un écart de conduite, ind. prst 3p, v.
de la sub. cc-T de la prop. 6 ; par contre, dès que d' autres font un écart de conduite,
6 , sumus censores. s : s-u-m, ès-sé v. irr.1 être ,
ind. prst -mus = nous (les humains), v. de la n-subord. én., censores : censor,or-is 3D
m le censeur, N.p attr. du S exprimé par la dés. verbale
, nous sommes de vrais censeurs.
Jupiter nous a équipés de deux poches ; derrière le dos, il nous a mis celle remplie de
nos propres défauits, devant la poitrine, il nous a suspendu celle alourdie par ceux des
autres. De ce fait, nos mauvais côtés à nous, nous ne pouvons pas les voir ; par contre,
dès que d' autres font un écart de conduite, nous sommes de vrais censeurs !
Sens de la dernière phrase : à l' égard des fautes des autres nous avons la sévérité des
censeurs. Une des attributions de ces magistrats romains était de pointer sur la liste
des sénateurs ceux dont un comportement indigne justifiait l' exclusion du sénat. Celui-ci-
se composait des magistrats (équivalents de nos ministres) ayant exercé ou exerçant les
plus hautes fonctions politiques. Les affaires les plus importantes de l' Etat se traitaient
lors des séances du sénat, convoqué et présidé par les consuls, homologues de notre pre-
mier ministre. Les magistrats romains fonctionnaient en binômes, l' un épaulant et surveil-
lant l' autre.
Sous les dehors plaisants d' une fable, Phèdre stigmatise notre fâcheuse tendance à reje-
ter sur les autres la responsabilité de nos propres fautes ou erreurs.